La portée de l’article 7 de la Charte canadienne
des droits et libertés en matière de droit du travail

Auteure : Stéphanie Blanchet-Gravel, stagiaire en droit

Le 3 novembre dernier, la Cour suprême du Canada a rendu une décision d’importance sur la portée restreinte de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés dans un contexte de droit du travail.

Le contexte

Entre 1990 et 2010, les employés la Direction du droit de l’immigration du Bureau régional du Québec du ministère de la Justice du Canada (ci après désignée « l’employeur ») se portaient eux-mêmes volontaires pour assurer les quarts de garde, pour les cas d’urgence, en dehors des heures normales de travail, soit les soirs et les fins de semaine. Les employés sur les quarts de garde étaient rémunérés pour la totalité de leur période en disponibilité, qu’ils soient appelés ou non au travail. En 2010, l’employeur a instauré une nouvelle politique pour les quarts de garde en les rendant obligatoires pour tous les employés, à raison d’une à trois semaines par année, et en ne rémunérant que les heures réellement travaillées en cas d’urgence. L’association représentative des employés a déposé un grief contestant cette nouvelle politique.

En première instance, l’arbitre a conclu que l’obligation de disponibilité imposée aux employés par la nouvelle politique constituait un exercice déraisonnable des droits de direction. L’arbitre a également jugé que la politique portait atteinte au droit fondamental à la liberté reconnu à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. La Cour d’appel fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire présentée par le gouvernement et a annulé la décision de l’arbitre.

Le jugement de la Cour suprême

La Cour suprême a accueilli le pourvoi en partie.

La Cour devait d’abord déterminer si la décision de l’arbitre concluant que la politique de l’employeur violait la convention collective était déraisonnable. D’entrée de jeu, le droit résiduel de la direction d’imposer unilatéralement des politiques en milieu de travail a été reconnu par la Cour, dans la mesure où le droit est exercé de manière raisonnable, équitable et de bonne foi. La Cour a notamment souligné que la politique avait une incidence sur la vie personnelle des employés, alors que la convention collective était muette à ce sujet. Elle a également soulevé que le fait de supprimer unilatéralement la rémunération accordée en contrepartie d’une obligation de disponibilité créait une iniquité apparente. La Cour a donc conclu que la décision de l’arbitre concernant le caractère déraisonnable de la politique était raisonnable.

La Cour devait ensuite se prononcer sur la portée du droit à la liberté protégé par l’article 7 de la Charte. Il a été rappelé que le droit à la liberté garanti par la Charte ne protège que les choix personnels fondamentaux, lesquels ne com-prennent pas toutes les activités qu’une personne définit comme essentielles à son mode de vie. Ainsi, les conséquences possibles d’une période de garde obligatoire pour les employés, comme le fait d’être moins disponible pour leur famille ou d’avoir à renoncer à leurs loisirs, et ce, uniquement à raison de deux à trois semaines par année, n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 7 de la Charte. Par conséquent, la Cour n’a pas modifié la conclusion de la Cour d’appel fédérale sur cette question.

Vous pouvez accéder au jugement complet en cliquant sur le lien suivant : https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/16827/index.do

Vous pouvez communiquer avec les membres de notre secteur de droit du travail et santé et sécurité au travail pour toute question relative à cet article.

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