COVID-19 au boulot : les travailleurs infectés sont-ils victimes d’une lésion professionnelle?

 

Auteurs : Anne-Sophie Ouellet, avocate

et Pierre-Étienne Dallaire, stagiaire en droit

 

Le 30 septembre 2021, le Tribunal administratif du travail (ci-après le « TAT ») a rendu un jugement dans l’affaire Lamarche et Consolidated Fastfrate inc.[1], se prononçant sur le fait que le travailleur ait subi une lésion professionnelle en ayant contracté la COVID-19 dans son milieu de travail.

 

Les faits

En mai 2020, lors de son quart de travail, le travailleur, un camionneur-gardeur, constate avoir perdu l’odorat alors qu’il fait le plein de carburant de son véhicule. Il se soumet rapidement à un test de dépistage de COVID-19, qui s’avère positif. Jugeant avoir été victime d’une lésion professionnelle, le travailleur produit une demande de réclamation auprès de la CNESST. Cette dernière refuse sa réclamation, ce que confirme la Direction de la révision administrative. C’est à la suite de ces événements que le TAT fut finalement saisi de l’affaire.

 

L’analyse

Pour conclure qu’un travailleur ayant contracté la COVID-19 a subi une lésion professionnelle, deux conditions doivent être satisfaites en vertu de l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et des maladies professionnelles, c. A-3.001 (ci-après la « LATMP ») :

  • L’infection au virus doit constituer un événement imprévu et soudain; et
  • Le travailleur doit avoir contracté le virus par le fait ou à l’occasion de son travail.

De prime abord, le TAT convient qu’un diagnostic de COVID-19 peut constituer, selon les circonstances, un événement imprévu et soudain. La question centrale est donc de savoir si la preuve permet de démontrer que le travailleur a été exposé au virus par le fait ou à l’occasion de son travail.

À ce sujet, le travailleur témoigne que, dans le cadre de ses fonctions, il se retrouve fréquemment dans des endroits restreints où il est impossible de respecter la distanciation sociale de deux mètres. De plus, lorsqu’il est affecté à des tâches d’entrepôt, il n’a d’autre choix que de travailler à proximité de ses pairs. La preuve révèle au surplus qu’en mai 2020, cinq de ses collègues ont contracté la COVID-19. Le travailleur affirme avoir eu des contacts rapprochés avec chacun d’eux et plus particulièrement avec un employé ayant eu le virus une semaine avant lui.

Le TAT examine également la possibilité que le travailleur ait été contaminé à l’extérieur de son lieu de travail; or la preuve révèle que le travailleur était en isolement strict et qu’il n’a eu aucun contact à extérieur de son milieu de travail.

À la lumière des faits, le TAT estime que le travailleur a été exposé au virus à l’occasion de son travail. Le TAT souligne toutefois que pour arriver à cette conclusion, il n’a pas à identifier le moment précis de la contamination, mais seulement à déterminer s’il est plus probable que le travailleur ait contracté le virus dans son milieu de travail qu’à une autre occasion. Dans ce contexte, le TAT conclut que le travailleur a bel et bien été victime d’une lésion professionnelle.

 

Conclusion

Il s’agit de la première décision du TAT qui confirme qu’une infection à la COVID-19 peut constituer une lésion professionnelle.

Toutefois, cette décision illustre que bien qu’une telle détermination ne saurait constituer un automatisme : chaque cas d’espèce doit faire l’objet d’une analyse selon ses circonstances propres afin de de permettre de déterminer si le virus a été contracté à l’occasion du travail. En présence d’un travailleur qui n’a pas été en isolement strict, il pourrait s’avérer plus difficile pour celui-ci de faire la démonstration qu’il a contracté le virus dans son milieu de travail.

Il sera intéressant de suivre avec attention les développements jurisprudentiels sur cette question, considérant qu’elle suscitera assurément un vif intérêt juridique.

 

 

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[1]     Lamarche et Consolidated Fastfrate inc., 2021 QCTAT 4580.

 

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