Me Élisabeth Bouffard
Élargissement de l’obligation d’accommodement aux travailleurs victimes d’une lésion professionnelle
Auteure: Élisabeth Bouffard, avocate
Au cours des dix dernières années, la Cour suprême s’est prononcée à quelques reprises sur la portée de l’obligation d’accommodement raisonnable de l’employeur dans un contexte de discrimination fondée sur le handicap . Ces enseignements ont eu pour effet de modifier substantiellement l’approche des employeurs québécois dans la gestion des dossiers d’employés présentant un handicap résultant d’une cause personnelle.
De nouveaux changements sont à prévoir pour les employeurs à la suite de la décision de la Cour suprême dans CNESST c. Caron, 2018 CSC 3. En effet, le plus haut tribunal du pays a conclu que l’obligation d’accommodement de l’employeur comporte une autre facette : dans le cadre de l’exercice des droits et avantages qu’accorde la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ci-après la LATMP) à un travailleur ayant subi une lésion professionnelle, l’employeur a l’obligation de procéder à un exercice d’accommodement raisonnable conforme à la Charte des droits et libertés de la personne (ci-après la Charte), sous réserve de la contrainte excessive.
Les faits
En 2004, M. Caron subit une lésion professionnelle, qui le rend incapable de reprendre son emploi prélésionnel. La Commission de la santé et de la sécurité du travail (ci-après la CSST) enclenche le processus de réadaptation prévu à la LATMP afin de déterminer la capacité de retour au travail du travailleur dans un autre emploi. Après analyse, l’employeur informe la CSST qu’aucun emploi convenable n’est disponible dans son établissement. La CSST décide donc de poursuivre le processus de réadaptation professionnelle du travailleur afin d’évaluer les possibilités de travail s’offrant à lui et rend une décision déterminant un emploi convenable au travailleur ailleurs sur le marché du travail.
Le travailleur conteste cette décision de la CSST au motif que l’employeur a failli à son obligation d’accommodement raisonnable prévue à la Charte, puisqu’il n’a pas pris les mesures nécessaires afin de favoriser son retour au travail dans un poste adapté respectant ses limitations fonctionnelles. Selon lui, il était en mesure d’occuper deux postes chez l’employeur si ce dernier mettait en place les mesures d’accommodement nécessaires.
______________________________________________
1 Voir principalement : Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, [2007] 1 RCS 161; Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), [2008] 2 RCS 561; voir également les commentaires des juges dissidents dans l’affaire Stewart c. Elk Valley Coal Corp., 2017 CSC 30, au paragraphe 126.
2 RLRQ, c. A-3.001.
3 RLRQ, c. C-12.