Me Nicolas Dallaire
Lorsque la négligence peut vous mener en prison
Auteur: Nicolas Dallaire, avocat
Le 1er mars dernier, la Cour du Québec a déclaré monsieur Sylvain Fournier, entrepreneur en construction, coupable d’homicide involontaire à l’endroit de l’un de ses employés. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une première, cette condamnation attire notre attention puisqu’elle résulte directement du défaut d’avoir respecté l’une des dispositions du Code de sécurité pour les travaux de construction (RLRQ, c. S-2.1, r. 4).
Rappelons brièvement les faits de cette affaire :
L’accusé employait, par le biais de son entreprise S. Fournier Excavation inc., monsieur Gilles Lévesque, lequel l’assistait dans le cadre d’un contrat visant à remplacer une conduite d’égout. Le 3 avril 2012, alors que les deux individus s’affairaient à creuser une tranchée afin d’accéder à la conduite, les parois se sont affaissées, tuant sur le coup monsieur Lévesque. Les enquêteurs de la CSST s’étant rendus sur les lieux identifient rapidement une problématique relative à la qualité de l’étançonnement utilisé.
Des accusations d’homicide involontaire coupable et de négligence criminelle sont alors portées envers monsieur Fournier à titre d’employeur.
Dans le cadre du procès, le juge Pierre Dupras analyse le comportement de monsieur Fournier à la lumière des critères relatifs à ces deux chefs d’accusation.
Concernant l’accusation d’homicide involontaire, il conclut que la mort de l’employé a été causée par monsieur Fournier au moyen d’un « acte illégal » commis par celui-ci, soit pour avoir fait défaut de respecter l’article 3.15.3 du Code de sécurité pour les travaux de construction, et les articles 51, 236 et 237 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (RLRQ, c. S-2.1) (ci-après : LSST).
Quant à l’accusation de négligence criminelle, le juge estime que l’accusé a fait montre d’une insouciance déréglée et téméraire à l’égard de la vie d’autrui, et ce, en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir, tel que le prescrit l’article 219, paragraphe 1 du Code criminel. Le juge réitère que l’accusé contrevenait de façon évidente aux dispositions du Code de sécurité pour les travaux de construction et de la LSST, tel que mentionné précédemment.
L’accusé connaîtra sa peine au mois de mai prochain. Bien qu’un arrêt conditionnel des procédures ait été prononcé relativement à l’accusation de négligence criminelle compte tenu de la règle qui prohibe les déclarations de culpabilité multiples en droit criminel, l’accusation d’homicide involontaire coupable est objectivement grave et l’accusé pourrait devoir purger une peine d’emprisonnement.
Il est à noter que compte tenu des faits particuliers de ce dossier, une déclaration de culpabilité relativement à l’accusation d’homicide involontaire aurait été rendue même sans considérer les changements apportés au Code criminel en 2004 relativement à la responsabilité criminelle des organisations en matière de santé et sécurité du travail.
Cette décision s’inscrit dans la continuité d’un mouvement initié il y a plusieurs années, notamment par l’introduction de certains changements législatifs, relativement à l’imputabilité des employeurs en matière de santé et sécurité du travail.