Adoption du PL59 : une réforme substantielle en matière de santé et sécurité au travail !

 

Auteure : Stéphanie Blanchet-Gravelt, avocate

 

Près d’un an après sa présentation à l’Assemblée nationale par le ministre du Travail, Jean Boulet, le PL59, qui propose une réforme en profondeur des lois en matière de santé et sécurité au travail, vient de franchir une étape importante de son cheminement législatif.

Après quatre journées de consultations particulières, une trentaine de journées d’étude et plus d’une centaine d’amendements au projet de loi initial, la Commission de l’économie et du travail a déposé son rapport, et la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité au travail fut finalement adoptée par l’Assemblée nationale le 30 septembre dernier.

Le PL59 vient consacrer une réforme majeure de plusieurs lois importantes, incluant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, c. A-3.001 (LATMP), loi demeurée pratiquement inchangée depuis son adoption en 1985.

Dans le présent article, nous vous présentons en bref certaines des modifications importantes qui seront apportées à la LATMP à la suite de l’adoption du PL59.

 

L’admissibilité

Les maladies donnant ouverture à la présomption d’admissibilité du travailleur à l’indemnisation seront désormais prévues par règlement, plutôt que par la loi.

Soulignons notamment que le Règlement sur les maladies professionnelles ajoute à la liste des maladies professionnelles des maladies de nature oncologique. De plus, le trouble de stress post-traumatique est désormais reconnu comme une maladie professionnelle à part entière (et pourra s’en prévaloir un travailleur ayant exercé un travail impliquant une exposition de manière répétée ou extrême à une blessure grave, à de la violence sexuelle, à une menace de mort ou une mort effective).

Concrètement, cet amendement permettra au gouvernement de modifier plus facilement la liste de maladies donnant ouverture à la présomption. Notons cependant que le PL59 ne modifie pas le mécanisme d’admissibilité comme tel : la présomption qui se crée lorsque le travailleur allègue être atteint d’une maladie prévue au règlement pourra être renversée en démontrant une autre cause probable de la maladie ou encore l’absence de lien causal par une preuve médicale probante.

 

La réintégration

Le PL59 marque un élargissement substantiel des pouvoirs conférés à la CNESST en matière de réintégration du travailleur dans son emploi.

La CNESST pourra désormais déterminer la capacité du travailleur à exercer son emploi, prévoir son retour progressif au travail et accorder à l’employeur une aide financière afin de faciliter la réintégration du travailleur dans son poste.

De plus, il reviendra à la CNESST, avec la collabo-ration du travailleur et de l’employeur, de déterminer s’il existe un emploi convenable disponible chez ce dernier. Actuellement, le pouvoir de la CNESST se limite à demander à l’employeur si un poste alternatif est disponible. Il s’agit donc d’un élargissement substantiel des pouvoirs d’intervention de la CNESST en matière de réintégration. À titre d’exemple, la CNESST pourra notamment, sans s’y limiter, réaménager les tâches du travail-leur et modifier son horaire de travail, à condition de ne pas dénaturer l’emploi.

Au surplus, une modification à l’article 32 de l’actuelle LATMP permettra au travailleur de con-tester le refus de l’employeur de le réintégrer dans son emploi contrairement à une décision de la CNESST.

 

La réadaptation

Le PL59 accorde désormais à la CNESST le pouvoir de recommander un plan de réadaptation avant la consolidation d’une lésion professionnelle et en rembourser les frais au travailleur. Dans le régime actuel, la réadaptation ne peut être compensée qu’après la consolidation de la lésion, ce qui peut, dans certains cas, retarder la réintégration du travailleur dans son emploi.

Le PL59 spécifie au surplus que le retour progressif au travail constitue dorénavant une mesure de réadaptation professionnelle qui peut être mise en place par la CNESST après la consolidation de la lésion.

 

Le processus d’évaluation médicale

Le PL59 encadrera de manière plus rigoureuse les délais applicables en cas de contestation d’une évaluation médicale.

Désormais, la CNESST devra transmettre le dossier médical complet du travailleur au Bureau d’évaluation médicale (ci-après, le « BEM ») en même temps que la contestation. Dans l’état actuel du droit, le dossier médical n’est communiqué qu’une fois le membre du BEM désigné par le ministre. Le PL59 vient donc accélérer la communication des renseignements médicaux afin de la rendre plus efficace.

À partir de la communication des contestations et du dossier médical, le BEM aura dorénavant un délai de 120 jours pour rendre sa décision. Si le BEM n’a pas rendu de décision à l’intérieur de ce délai, la CNESST sera alors liée par les conclusions du professionnel de la santé qu’elle a désigné ou pourra en désigner un. Présentement, le BEM dispose d’un délai de 30 jours pour rendre sa décision à partir de la date de sa désignation par le ministre, et ce sont plutôt les conclusions du médecin traitant du travailleur qui prévalent dans une telle situation.

Une autre modification importante prévue par le PL59 est d’exiger que le membre du BEM qui statue sur la date de consolidation d’une lésion professionnelle se prononce aussi sur l’existence et le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique du travailleur, ainsi que sur l’existence de limitations fonctionnelles, lorsqu’elles n’ont pas encore été déterminées par le médecin traitant ou celui désigné par l’employeur. Sous l’actuelle LATMP, le BEM peut donner son avis sur ces sujets s’il l’estime opportun, mais rien ne l’y contraint.

 

L’imputation

Une autre modification importante du PL59 consiste à reconnaître la possibilité que l’employeur soit désimputé en cas de décès ou d’atteinte permanente grave causés par la négligence grossière du travailleur.

 

Le télétravail

Finalement, parmi tous les amendements proposés par le PL59, il importe de souligner l’absence de règles précises venant encadrer le télétravail, devenu une réalité concrète pour la plupart des employeurs depuis la pandémie de COVID-19.

Ainsi, à l’exception de règles concernant la visite des inspecteurs de la CNESST dans une maison d’habitation, prévues à la Loi sur la santé et sécurité du travail, c. S-2.1, le PL59 n’apporte aucune précision additionnelle sur les règles applicables en matière de télétravail. Il appartiendra donc aux tribunaux de trancher ces questions telles les obligations des employeurs et des travailleurs en matière de télétravail.

 

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Pour vous aider à mieux comprendre les implications du PL59, nous publierons dans les semaines à venir d’autres articles concernant les changements à prévoir pour votre organisation. Restez à l’affut!

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